27/11/17 - Sang glacé


Celà m'a "glacé le sang". Voilà ce qu'on dit pour parler d'une peur effoyable. On part du principe que la peur effroyable intervient comme un sursaut, comme la rencontre avec l'objet redouté d'une phobie.

Par éxpérience, j'ai déjà passé une nuit à craindre de me faire assassiner, je peux dire que j'ai eu tout le corps gelé, je tremblais, je sentais mes membres glacés, et mon imagination produisait milles milliards de scènes dans lesquelles je subissais toutes sortes de mises à morts longues et douloureuses. Tout était insupportable, chaque son véhiculait des centaines d'images, tout prenait sens, des sens qui se liaient les uns aux autres pour former des multiples d'unités d'imagination.

Donc, mon esprit était remplit d'horreurs et mon corps gelé.

Mais après une telle éxpérience, il ne me serait pas venu à l'esprit de dire que celà m'avait "glacé le sang". J'aurais insisté sur les tremblements, sur les idées insoutenables, sur les peurs qui me seraient restés, les doutes, j'aurais eu l'air d'être paranoïaque, et mon esprit perturbé serait en train de construire un discours incohérent. La véritable peur, réelle, qui n'est pas la brève frayeur d'un sursaut, n'a rien à voir avec un sang glacé.

Lorsqu'on est enfermé par la peur, que tout autour de nous devient effroyable, et que notre corps devient inhabitable, on tente de s'échapper de nous-même en nous dissociant. Pour prendre une image, c'est comme se faire toucher un nerf par un dentiste, on a une douleur attroce, on tourne de l'oeil et on est en train de quitter notre enveloppe corporelle pour échapper à notre propre corps et à ses sensations insoutenables.

Il faut imaginer que vivre au quotidient avec la peur de se faire tuer par un inconnu dans la rue, ou quelqu'un qui aurait pénétré chez vous, génère un stresse aux effets comparables à une douleur dentaire. Notre poitrine devient lourde, comme du plomb, insupportable, on éprouve une sensation d'asphyxie, et un point au coeur qui nous fait craindre une fatigue prématurée engendrant une crise cardiaque. On est comme épuisé par une masse en nous qui nous rendrait tout mille fois plus lourd, et l'on voudrait mourir pour que celà s'arrête.

Cette agonie, puisque c'en est une, ne peut s'arrêter que lorsqu'on se met à l'alcool, oubien que l'on prend des anxiolitiques. Les causes de cette agonie, elles ne veulent pas cesser, elles ignorent leurs conséquences, elles sont aveugles, sourdes, mais ce qu'elles font elles le doivent à des yeux et des oreilles. Comme si entre la captation de notre image et la production d'un reflet de celle-ci, s'était installée une amnésie.

Alors la peur, la vraie, c'est un meurtre très lent qui épuise toute la personne jusqu'à ce que son coeur s'arrête ou qu'elle mette fin à ses jours. Elle ne vit pas son éxpérience comme une émotion, mais comme un état limite qui lui met un pied dans la tombe. Elle réalise sa fragilité, en quoi elle est mortelle, et à quel point tous les projets d'une vie ne méritent pas d'être associé à une biologie aussi fragile. Elle ne comprend pas que personne ne vienne la sauver. Elle est seule au monde et elle n'est bien nul-part.



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