16/11/17 - Traverser la route


Lorsqu'on traverse la route à Laval, n'importe où, en général les voitures s'arrêtent. Je me souviens, quand j'étais au lycée, je disais au "potes" (j'en avais mais je me souviens plus de qui ils étaient) : "Allez on traverse ! On s'en fout, s'ils nous rentrent dedans ils sont en faute !". Alors, on se jetait sur les routes sans trop regarder et les voitures s'arrêtaient en nous voyant. On traversait partout, hors des clous, et ça fonctionnait.

Je me souviens malgré tout d'une fois, pas loin de l'immaculée conception, il y avait un feu rouge pour les voitures qui tournaient à gauche, un feu vert pour celles qui allaient tout droit. Moi je passais sur le passage piéton voyant que les voitures étaient immobilisées. Une BMW est passée, sur la voie de droite, cachée par celles de gauche, à toute allure, sans freiner. Je suis arrivé de l'autre côté de la rue et j'ai senti le vent qui m'a soufflé dans le dos, elle devait être à 20 cm de mon mollet. Sans ralentir, sans freiner, elle a klaxonné et a continué comme si de rien n'était. J'aurais pû y passer. J'imaginais, mon pied en arrière, plaqué au sol, moi en avant, le pneu roulant sur mon talon, mon tendon, écrasant tout l'arrière du pied.

Quand je suis allé à Paris, j'ai constaté que les voitures ne s'arrêtaient pas. On devait systématiquement attendre qu'elles passent, et si on attendait pas, elles nous collaient avec leurs pare-chocs pour nous dire : "tu m'as fait perdre 10 secondes, la prochaine fois je te rentre dedans". En gros touriste je trouvais ça digne d'intérêt. C'était une curiosité comme une autre.
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En voiture, j'ai toujours pensé que j'étais un nerveux de la circulation. A Laval j'en ai tout l'air à côté des autres. Mais une fois à Paris, je me rends compte que je suis dans la moyenne. Je pense qu'on peut pas conduire à Paris sans avoir ses facultées physiques de perception/action : ouïe, vue, et bon système musculo-squelettique. Il faut tout d'abord pouvoir réagir au quart de seconde, ensuite bien connaitre le gabarit de son véhicule au centimètre prêt, et enfin avoir autant l'oeil en face, que sur les côtés et derrière. Entre les voitures qui veulent changer de file, celles qui freinent sans raisons, et les motos qui arrivent par derrière entre les files, ça se joue au poil de cul. Plus encore, quand on a un véhicule d'urgences (gendarmerie, pompiers, ambulance) qui passe à toute allure entre deux files de véhicules.

J'en ai vu quelques unes à Paris des motos par terre. Ca veut passer partout, on entend un "pof !" et on retrouve un bonhomme en casque sur les fesses à côté de sa moto hors de prix, rayée, avec peut-être un poignée cassée, ou un problème de dérèglage ici ou là.
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Quand je marchais le matin, en hiver, dans les rues de Paris, je trouvais que c'était moins dur que lors de mon passage en taule (l'internat). Il faisait un froid glacial, il y avait les camions poubelles.

Je croisais souvent un type qui tenait un bulldog anglais en lesse, qui tirait sur sa lesse, penché sur le côté, et soufflait comme un obèse morbide qui aurait fait un sprint et qui serait au bord de l'évanouissement. D'ailleurs le chien était très gros.

On traverse bien des passage cloutés, et on remarque qu'étrangement, au centre de Paris, ça bouchonne pas. Je sais pas comment ils ont fait, mais on a pas un endroit où les voitures stagnent des heures. Ca bouge tout le temps. C'est que sur le périphérique que ça déconne.

Moi, je me déplaçais qu'à pied, en métro, et en TGV.

Je voyais, très tard le soir, quand je prenais le TGV, qu'il y avait des gens qui restaient à travailler dans les tours (on voyait les lumières et leurs ombres), qu'il y en avait très tôt le matin, et je pensais qu'ils n'avaient aucun respect de leur vie, qu'ils devaient avoir une santé supérieure, une sorte d'endurance de haut niveau, le genre qui peut courir 10 heures sans s'arrêter, qui n'a besoin de dormir que 4 heures par nuit, qui arrive, en plus de ses 80 heures de travail par semaine, à sortir en boite de nuit ou dans des soirées. J'imaginais ces gens comme ça. Je me disais que moi j'étais incapable de faire ça. Je me sentais tellement incapable que je regardais les SDF avec pitié. Non pas réellement qu'ils m'aient fait pitié, mais parce que j'imaginais que j'allais peut-être en devenir un à mon tour.


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